Défi “Bretagne Ultra Trail” accompli avec bonheur !

Défi “Bretagne Ultra Trail” accompli avec bonheur !

3 mai 2019 10 Par Frédéric

Je m’interrogeais dans mon article précédent pour savoir si ce défi était fou ou logique ? Je réponds aujourd’hui : les 2 mon capitaine, et bien plus encore. En le relisant, je m’aperçois comme il est empreint de doute et de naïveté. Mais ce Bretagne ultra trail, Le premier “ultra” pour moi, maintenant, je l’ai fait ! Et ça change beaucoup de choses.

>>> Relire l’article “Bretagne Ultra Trail : mon défi fou ou logique?”

J’avoue que les quelques jours qui ont précédés ont été sources d’appréhension, voire de stress… Comme une prise de conscience : 103 kilomètres, c’est beaucoup quand même ! Des doutes ont commencé à poindre : ne m’étais-je pas surestimé? Comme pour conjurer cet état, j’ai commencé à me visualiser en train de courir cet ultra trail et … de passer la ligne d’arrivée. Cela paraissait tellement réel, que mon cœur s’emballait et que je serrais le poing ! Je pouvais même m’imaginer “dans le dur”, en train de me “traîner”, mais une évidence s’imposait naturellement : j’allais finir. C’est fort de cette image mentale que j’ai pu partir “conquérir” mon premier Ultra Trail. Je partage ici mes joies, mes apprentissages, une frustration et un nouveau défi …

Une journée de trail pas comme les autres

De gauche à droite : Antho, Fred, Fab et Seb. Fin prêt sur la ligne de départ du Bretagne Ultra Trail à Poul Fétan

Pour commencer, se lever à 2h30 du matin, pour aller prendre une navette à 3h… ça pique un peu !!! Mais quand je retrouve à l’arrêt de bus les copains Fab et Seb, l’excitation et la joie prennent le dessus sur la brume et sur la nuit. Spontanément je les embrasse, je suis heureux d’être là, de les retrouver pour cette journée de fête!

Une journée de fête car je me rappelle qu’aujourd’hui, j’ai 42 ans. Ce premier ultra trail est mon cadeau. Je sens surtout qu’on va vivre une grande et probablement longue journée.

Les tenues fluos dans la nuit, les frontales, l’odeur de la crème anti-frottement, les premières barres de céréales en guise de petit déjeuner sont un environnement familier maitenant. Mais malgré l’heure et la nuit, il y a déjà un parfum singulier de concentration, de déconnade, d’humilité et d’arrogance mélangées face au défi que nous allons tous relever ! Dans le bus qui nous emmène sur la ligne de départ, quelques uns dorment, d’autres ont le regard hagard, beaucoup discutent. Les derniers détails sont réglés sur le matériel, quelques informations échangées sur la course, le parcours, le dénivelé, la stratégie de chacun.

Vers 4h30 nous retrouvons au superbe village de Poul Fétan notre 4ème larron, notre infatigable coach Antho. Il a la banane bien entendu, le regard pétillant d’un gamin qui fait pourtant cet ultra pour la 3ème ou 4ème fois. Je suis bien entouré pour cet première tentative : des coureurs longues distances confirmés, toujours généreux en conseils et en encouragements. Nous pensons à un autre Fred, blessé, qui a du renoncer, ainsi qu’aux autres collègues du club absents car blessés ou mobilisés sur d’autres objectifs. Nous sommes excités et en même temps sereins. Nous discutons et le départ est lancé sans que nous nous en rendions vraiment compte.

Plus de 150 places gagnées sur les 30 premiers kilomètres de cet ultra trail !

Bon il est vrai que nous sommes partis en queue de peloton, et un embouteillage s’est créé au bout de quelques centaines de mètres. Plus de 350 coureurs qui s’engagent sur une trace simple de forêt, forcément… Sur mes derniers trails, j’ai pris l’habitude de partir tranquille, mais là c’est un peu trop. Assez vite, Fab et Seb prennent les choses en main et dès que les chemins le permettent, nous remontons le peloton. Dans la nuit noire et humide, à la lumière de la frontale, nous courrons dans un relatif silence : celui des pas amortis par la terre, la boue, l’humus et les feuilles. Nous devinons des sous-bois merveilleux, des ruisseaux, des chemins bordées de magnifiques fleurs violettes. On se méfie quand même dans la nuit des racines et des pierres.

L’envie de trouver notre rythme, de sortir du peloton, nous amène à courir en “yoyo” et à peu nous économiser sur les faux plats et premières montées. Mais au bout de 15-20 km le peloton s’étire enfin et nous pouvons courir plus naturellement. Nous continuons à remonter nos concurrents, mais en douceur. Le jour se lève sur des forêts luxuriantes de végétation, de mousse, de ruisseaux. Le parcours est agréable et nous commençons à pouvoir apprécier la nature environnante et les paysages aux premières lueurs du jour.

Cela prend l’allure de nos sorties “club” du dimanche matin : on discute, on se prends en photo, on blague entre nous, avec les autres coureurs. Des liens se nouent et se dénouent en fonction du rythme de chacun. On se dit “a +” en sentant déjà les concurrents qu’on recroisera plus tard, et ceux qu’on ne reverra plus… Seb a l’air en forme, sa foulée est légère, facile et il nous distance régulièrement dans les montées. En même temps et à l’approche du ravitaillement de Plouay (29 km), on sent que cela commence un peu à tirer dans les jambes. Nous sommes peut-être parti un peu vite sur cette première partie. Il va falloir être vigilant pour gérer notre effort : il reste 75 km quand même…

Le peloton s’étire enfin, nous pouvons courir plus naturellement

En tous cas, nous sommes toujours tous les 4 et nous arrivons au ravito en 3h06′, ce qui nous place dans les 110èmes à peu près. Nous prenons juste le temps de recharger les poches d’eau, de grignoter (du salé, du sucré, du coca, des fruits, de tout pour moi !) de blaguer et de remercier les bénévoles. Nous repartons ragaillardis et le rythme s’accélère à nouveau. Les vieux briscards de l’ultra trail, Antho et Fab, nous recadrent un peu.

Nous sentons que Fab et Seb sont biens. Antho et moi sommes un peu en retrait. Au bout d’un certain temps, Antho me dit que nous allons peut-être devoir faire 2 groupes : lui et moi, Fab et Seb. Je ne lui dis pas sur le moment, mais c’est comme ça que j’avais imaginé ma “stratégie” de course. Courir avec Antho, car je sais que c’est un coureur expérimenté et finalement sage : il recherche avant tout le plaisir et le bien-être. Cela me paraît plus prudent pour moi qui suis inexpérimenté et plus fougueux. Je m’étais même dit avant le trail ; “ne suis pas Fab et Seb, tu risques trop d’exploser en vol”. En même temps, je sens que le défi dans le défi est là…

>>> Lire l’article “Les 5 sources de motivation d’ultra trailers expérimentés”

Au delà de 40 km, les corps et les esprits commencent à souffrir

Passé les 40 km, nos légères différences d’allures naturelles commencent à peser. Cela se joue à peu de choses, à 0 virgule des miettes de kilomètre/heure trop ou pas assez vite. Mais avec la fatigue cela devient flagrant et notre groupe commence à faire l’accordéon. Antho est légèrement en sur-régime, pour trouver son rythme il doit ralentir un peu. L’écart se creuse, nous nous attendons, mais cela casse un peu le rythme de ceux qui sont mieux à ce moment là. Nous restons solidaires, mais sentons que pour le bien de tous, cela ne sera plus tenable très longtemps.

Nous dépassons les premiers coureurs en difficultés. Une femme qui s’est manifestement fait une entorse à la cheville en passant un ruisseau au fond d’un vallon. Nous contactons les secours après s’être assurés que c’était ok pour elle. Quelques kilomètres plus loin, un coureur marche bizarrement : des crampes. Je crois que nous pensons tous sans nous le dire que c’est cuit pour lui, nous ne sommes pas encore à 50 km.

Courir un ultra trail, c’est gérer son effort !

Un instant de contemplation qui nous permet aussi de faire une pause. Quel meilleur endroit pour se ressourcer?

Dit comme ça, bien sûr c’est évident. Mais pendant l’ultra, l’évidence a une réalité physique, physiologique, et mentale qui la rend plus qu’évidente. L’évidence prends corps. Quant à moi, je me sens bien, sans m’en rendre compte par moment j’accélère le rythme. Les copains me calment gentiment en me charriant : “t’as les plaquettes qui chauffent” me dit Seb. Lorsque nous passons les magnifiques Roches du diable l’écart s’est franchement creusé avec Antho.

Nous en profitons pour prendre des photos et admirer le paysage, la rivière en contrebas parsemée de rochers énormes. Sans doute des cailloux déposés là par un petit Poucet gigantesque, afin que des trailers errants par là ne se perdent pas… Cela nous fait le même effet qu’un ravito, on se nourrit des forces et des beautés de la nature, mais aussi de la camaraderie. Nous sommes actifs et contemplatifs à la fois. La fatigue, les premières douleurs sont vite oubliées.

Un électrochoc au 50ème km

Quelques centaines de mètres avant l’arrivée au ravitaillement de Locunolé (52 km), nous sommes quasiment seuls, comme perdus. Pour moi, une forme de lassitude s’installe, je suis pressé d’arriver. Nous courons à l’orée du bois, quelques mètres au dessus de la route. Je vois un peu plus loin une voiture garée sur le bas côté, je la connais… C’est la mienne! Je n’arrive pas à y croire : ma femme et mes 3 enfants sont là ! Ils klaxonnent et nous encouragent. C’est comme un électrochoc, j’ai envie de crier de joie, d’aller les embrasser, de pleurer. Finalement nous poussons avec mes 2 acolytes un cri de joie!

Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons tous au ravitaillement. Antho arrive avec un peu de décalage, mais il a le sourire, il a pris son rythme et s’est “refait la cerise”. Il nous avait prévenu qu’il prendrait le temps de se reposer un peu. Nous nous ravitaillons rapidement. Je retire mes chaussures et chaussettes pour me changer et examiner mes pieds : cela fait maintenant une dizaine de kilomètres que je sens que les premières ampoules sont apparues. Ils sont détrempés, mais les ampoules ne semblent pas méchantes. Une pelletée de crème “noc”, de nouvelles chaussettes, une claque sur les fesses et ça devrait repartir.

Louka, mon fils aîné me dit que j’ai l’air “frais comme un gardon”. Charlélie, mon deuxième fils, ne dit rien mais me masse pertinemment les cervicales… Flora, ma fille de 3 ans tends les bras à la table des ravitos pour attraper une pompote. Ma femme Bénédicte me regarde en souriant avec douceur. Je suis tellement heureux de les voir, je me sens fort. Les bobos et la fatigue sont immédiatement rangées au rang de l’anecdotique. J’aimerai en profiter davantage, mais je vois déjà Fab et Seb me prévenant qu’ils repartent en marchant.

Changement de stratégie de course

Je les regarde, je regarde ma femme. Au fond de moi, je sais que je dois les suivre, que je vais les suivre jusqu’au bout. Je suis motivé à bloc. Je vais voir Antho pour l’encourager avant de partir, pour lui dire que j’aurai certainement aussi un coup de moins bien plus tard, qu’on se retrouvera sur le parcours. Lui et moi n’y croyons pas vraiment. En fait, je n’assume pas l’idée de laisser un copain tout seul, même si je sais qu’il n’a aucunement besoin de moi pour faire sa course comme il l’entends.

6h07 de course. Bien qu’ayant ralenti sur cette portion, nous avons sensiblement conservé notre 110ème position. Il est 11h passé et j’ai une heure d’avance sur mon estimation d’avant course. Vais-je tenir ce rythme ? N’ayant jamais fait plus de 63 km, je vais bientôt rentrer dans l’inconnu : je suis plus excité qu’effrayé.

Je repars un peu euphorique, mais les premières foulées pour rattraper les copains me rappellent vite à l’ordre. Je cours avec 2 piquets et une pointe douloureuse à chaque pied ! 2 crayons à la place des jambes… Il a bonne mine le sportif… Cela me fait marrer tout seul! Heureusement que je me suis taillé un moral d’acier grâce à ma famille!

Accélération énorme, chute spectaculaire, rillettes et fromage…

En moins de 2 km, je les rejoins. En arrivant à leur niveau, j’accélère franchement (au moins 11km/heure ;-)… ) et les dépasse en faisant semblant de ne pas les voir. Une dizaine de mètres plus loin, je mime une chute et m’aplatit mollement! On rigole un coup, tout en se disant qu’il ne faut pas trop déconner : il reste encore 50 bornes. Je me sens un peu dans les vapes, je m’arrêterai bien faire une micro sieste digestive : j’y suis allé un peu fort sur les rillettes et le fromage au ravitaillement…

Des ressources mentales phénoménales

>>> Lire l’article “trail running : préparez vos défis (spécial préparation mentale)”

Nous reprenons progressivement tous les 3 notre rythme. Il fait soleil, mais la température reste fraîche. Ce sont vraiment des conditions idéales, nous apprécions notre chance. Je me concentre davantage, car je sens qu’il va falloir commencer à mobiliser sérieusement mes ressources. Je teste mon ancrage en m’imaginant passer la ligne d’arrivée. L’émotion monte quasi instantanément : je suis comme un étalon fougueux qui se cambre pour partir au galop. Je me calme vite, pas la peine d’utiliser cette ressource maintenant. Elle me servira plus tard, quand je serai au fond…

J’entre un peu plus en introspection. Je viens de passer une année difficile. J’ai de la colère en moi, elle déborde parfois. Peut-être pourrai-je m’en servir? Je m’imagine la contenir au niveau de mon ventre, comme un feu qui chauffe le foyer et diffuse de l’énergie autour de lui. l’effet est plutôt intéressant, je sens qu’il y a là une ressource puissante à exploiter. Pendant ce temps là, les kilomètres défilent sans que je ne m’en rende vraiment compte. Nous traversons des forêt, tout en continuant d’arpenter de petits coteaux traversés de ruisseaux. Par moment sur les mono-traces de la forêt, je me sens si bien que je pars devant sans m’en apercevoir. Fab finit par me dire de ralentir, Seb commence à être dans le dur. Nous régulons notre allure pour faire corps.

C’est le moment de sortir de mes rêveries de trailer solitaire, pour partager, discuter, déconner pour changer les idées de Seb. Comme Fab, je sais qu’à ce moment là on peut vite se focaliser sur sa douleur puis sa fatigue, puis sur le fait qu’on est en train de ralentir… Jusqu’à ce que le cercle vicieux s’auto-alimente et nous tire vers le bas.

Pour ma part, je gueule un grand coup vers les 65km. Je suppose que cela devait ressembler à un cri de joie, c’était l’idée en tous cas. Je viens de battre mon record de distance (63km au trail de Guerlédan). C’est déjà une première victoire. Je ne loupe pas l’occasion de la célébrer, c’est toujours ça de pris. Un peu plus tard je referai le même numéro : je n’ai jamais couru aussi longtemps (9h). Toutes les occasions sont bonnes pour se booster le moral.

Une pause Selfie pour garder un souvenir et.. se changer les idées!

Nous faisons des selfies : oui on en bave, mais on est content, car nous avons choisi. Fab continue de filmer et de commenter des séquences. Je voulais le faire aussi, mais il y a bien longtemps que je n’en ai plus la force : trop de pensées “parasites” à gérer pour moi. Lui, on a l’impression qu’il a toujours fait ça. J’ai pourtant l’habitude de courir avec lui, mais il continue de m’impressionner avec sa foulée puissante.

C’est l’inverse de Seb qui paraît léger comme une plume et voler sur les chemins. Fab a la foulée lourde, tout en force. Mentalement c’est aussi un monument, rien ne semble pouvoir l’arrêter. En plus il emmène tout le monde avec lui : toujours un mot d’encouragement ou un conseil à donner. Cela me sera utile plus tard…

Colère, orgueil et dur à cuire

Quand nous rentrons dans Quimperlé en revenant sur de la route bitumée, cela devient un peu plus dur pour Seb. Il nous invite à ne pas l’attendre, on voit bien que cela l’agace de ne pas être dans notre rythme. Il n’aime pas qu’on l’attende. Pendant la traversée de la ville jusqu’au ravito, l’écart se creuse à nouveau. Nous ralentissons et décidons d’aller jusqu’au ravitaillement pour faire le point sur la suite. Seb nous redit de partir, on s’assure que c’est ok. A ce moment là, je me dis que cela va être compliqué pour lui. Cela doit faire maintenant au moins 20 bornes qu’il est dans le dur et qu’on lui dit que cela va passer… En même temps, c’est un dur à cuire Seb et il a de l’expérience. Il nous le prouvera quelques heures plus tard!

Comme je n’ai toujours pas de problème gastrique, j’avale à peu près tout ce qui se présente à ma portée. On échange avec les bénévoles : plusieurs heures avant nous, ils nous racontent le passage du gagnant de la course… Nous ne sommes pas dans le même monde. Cela invite à une grande humilité.

Même si je suis fier de ce que je suis en train de faire, la différence est tellement énorme que je trouve cela presque humiliant. En fait, je me sens humilié, mauvais perdant. C’est con : un coureur du dimanche comme moi qui se met à la course à pied à l’approche des 40 piges ne peut raisonnablement pas espérer jouer les premiers rôles. Sauf que derrière le bonhomme, il y a toujours un enfant qui rêve de monter sur le podium. Tiens ! Ma colère revient, une colère teintée d’orgueil. Après tout, cela peut toujours servir… surtout s’il y a un enfant à satisfaire.

Cela me rappelle un article sur le livre “courir ou mourir” de Kilian Jornet où j’expliquais en 6 leçons comment courir comme lui !

>>> Lire l’article “6 leçons pour courir comme Kilian Jornet”

Ravitaillement à Quimperlé avec Seb

Nous courons depuis 9h31′. Nous avons perdu quelques places, mais c’est anecdotique puisque nous sommes en 115ème position.

Nous repartons donc avec Fab. Il reste 30 bornes. Je ne compte plus le nombre de trail de 30km que j’ai pu faire. Finalement, je suis revenu dans ma zone de confort… Je sais que je ferai mieux que 15h et Fab peut tenir son défi en 13h30. Allons-y gaiement ! J’ai le ventre plein de sucré, de salé, d’orgueil, de fierté, de colère, de joie. Mes ampoules aux pieds se sont manifestement multipliées, mais j’ai les idées claires et mes jambes de playmobil (mes ischios sont 2 cordes raides) sont prêtes à repartir.

Nous rejoignons rapidement la rivière Laita. La flore et la faune commencent à changer, on devine qu’on s’approche de la mer. C’est le moment que je choisi pour être à mon tour dans le dur. On doit être au 80 et je me sens vide. C’est plus moral que physique, même si mes cervicales sont maintenant verrouillées et douloureuses. Fab a pris les commandes et part devant en éclaireur. Ça tombe bien, je n’ai plus la lumière à tous les étages!

Gros coup de fatigue sur les bords de la Laita…

Gros coup de fatigue, je pourrai dormir debout. Faire 100 bornes passe encore, mais me lever à 2h30 du matin et ne pas faire ma micro-sieste du midi, c’est pas humain… Malgré tout mes jambes répondent et suivent le rythme et les injonctions de Fab. Je suis fier d’être à ses côtés en cette fin de course, heureux d’avoir partagé tout ce chemin avec Seb et Antho.

J’irai jusqu’au bout maintenant, hors de question de lâcher Fab ou de le retarder. Question d’orgueil ou de fierté, qu’importe. Je me visualise à nouveau en train de passer la ligne d’arrivée, mais il n’y a plus d’euphorie maintenant. Je ne me prends plus pour un “étalon sauvage”…


Je ne sers plus le poing non plus, je sers les dents. Mais la flamme brûle toujours et je couve ce feu avec précaution pour qu’il me chauffe jusqu’au bout. La portion le long de la rivière Laita dure des heures, des jours et des nuits. L’arrivée sur le littoral, me réveille à grands coups de rafales de vent. Fab et moi, avec nos presque 90 kg, faisons des embardées par moment. Cela ne nous décourage pas au contraire, car plus rien ne pourra nous arrêter.

Nous rattrapons Céline, la femme de Seb, qui faisait le 59km. Elle est à bout de force. Elle était partie avec une douleur au genou, une blessure pas encore totalement guérie. Un monstre de force mentale qui incite au respect, même s’il aurait probablement mieux valu ne pas prendre le départ.

Alors que nous entendons la voix du speaker au loin, Fab montre (enfin!) quelques signes de fatigue. Je l’encourage à mon tour. C’est insignifiant par rapport à tout ce qu’il a fait pour moi ces 20 derniers kilomètres, mais je suis quand même content de pouvoir lui renvoyer un peu l’ascenseur. La ligne d’arrivée est toute proche. Je vais retrouver ma famille, nous allons rejoindre les copains du SNLS44. La joie et la fierté m’envahissent, le soulagement aussi.

Lorsque nous franchissons la ligne d’arrivée, je ne sers pas le poing… Mais la main de mon pote Fab ! C’est le pied !

L’arrivée sur le port de Doëlan

Les collègues du SNLS 44 présents sur les autres courses sont là et nous accueillent, ils me souhaitent mon anniversaire ! Je l’avais oublié celui-là. Cela me vaut une interview du speaker, mais j’ai surtout envie d’aller voir tout le monde.

Je n’ai pas vraiment de mots, juste envie de partager ce moment de joie, savoir aussi si tout le monde va bien et est content de sa course. Mes enfants et ma femme un peu plus loin dans la foule qui se pressent pour me rejoindre. Je suis béat de satisfaction.

Waouh! J’ai une nouvelle certitude : on va arroser tout ça ce soir!

13h21″54 secondes ! Nous avons repris près d’une trentaine de concurrents depuis le dernier ravitaillement. La maladresse sur la ligne d’arrivée créée une indélicatesse du classement que je découvre plus tard. Je suis 81ème et Fab est 82ème, alors que c’est lui qui m’a porté jusque là! Mais je sais qu’il est grand et bien au dessus de ce genre de détail : nous retiendrons surtout que nous avons fini ensemble. Seb finit en 13h46 à la 113ème position. Franchement il m’épate par sa force mentale. Tout seul, il n’a rien lâché et maintenu le rythme jusqu’au bout sans fléchir. J’avoue qu’au moment où nous l’avons quitté, je n’aurai pas parié sur ce résultat : c’était mal le connaître. Antho finit en 15h22″43′ à la 207ème position… avec la banane bien entendu. Il donne l’impression qu’il aurait pu faire 100 km de plus. On le charrie pas mal.

Antho juste avant l’arrivée !

Il a pris tout un tas de photos (que nous retrouvons dans cet article) qu’il a partagé sur les réseaux sociaux pendant le parcours. Il était en balade de santé ! Dès le lundi, il reprendra l’entraînement normalement… Je trouve mes “camarades du 103” incroyables.

1er ultra trail accompli avec bonheur, mais… une frustration se manifeste

Je commence à prendre conscience de ce que nous venons d’accomplir. Quelle aventure humaine et sportive. Que d’apprentissages sur soi, sur les autres. Que de paysages magnifiques parcourus. Quel bel effort ! Des vagues d’émotions contradictoires m’envahissent, j’ai envie de pleurer. J’ai mal aussi aux cervicales, aux ischios, mais je le savais d’avance. Une copine me dit que j’ai l’air frais. C’est une apparence, mais en même temps je ne me sens pas non plus à bout de force.

Je suis soulagé d’être arrivé, mais moins exténué que ce que j’avais imaginé. J’ai poussé la machine mentale et physique assez loin, mais j’ai encore une énergie folle… Je me suis dépassé c’est sûr. Enfin j’ai dépassé ce que je croyais être capable de faire, ce que je croyais être ma limite. Je prends soudainement conscience que je suis sans doute capable de faire bien plus, que le summum que je m’étais imaginé à travers ce défi, n’est peut-être qu’une simple étape. J’en ressens presque une certaine frustration… De l’impatience aussi. Je pense déjà au prochain défi. J’ai déjà mon idée en tête!

L’Ultra Marin – Le Grand Raid du Golfe du Morbihan… 177 km.

Le soir quand Antho et Fab me relancent sur le sujet autour du punch d’anniversaire, je fais encore ma minorée. Mais au fond, ma décision est prise.

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